À l’occasion de l’examen du dernier rapport en date du Secrétaire général sur la situation en République démocratique du Congo, les membres du Conseil de sécurité se sont inquiétés ce matin à la fois de la poursuite des violences dans l’est du pays, des tensions qu’elles génèrent entre le Rwanda et la RDC et de l’escalade de la rhétorique hostile à la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO), dont le représentant congolais a jugé « nécessaire » de revoir le calendrier de retrait.
Les groupes armés continuent de représenter une menace importante et de commettre des actes de violence contre les civils, a témoigné la Représentante spéciale du Secrétaire général et Chef de la MONUSCO, Mme Bintou Keita. Celle-ci a attribué la majorité des exactions à plusieurs groupes armés, parmi lesquels le Mouvement du 23 mars (M23), qui avait été déjà largement évoqué lors de la précédente réunion du Conseil sur la RDC, le 29 juin. Les membres du Conseil se sont inquiétés de l’activité croissante des groupes armés, qui exacerbent une situation humanitaire déjà désastreuse. Mme Keita a ainsi rappelé que 27 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire et que beaucoup d’entre elles avaient en plus besoin d’une protection.
Les membres du Conseil ont donc appelé au retour de la paix, en se félicitant notamment des rencontres entre le Président congolais Felix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame, ainsi que des médiations des Présidents kényan, angolais et français. Les attaques, celles du M23 en particulier, ont en effet tendu les relations entre les deux pays, la RDC accusant le Rwanda d’être derrière la récente résurgence de ce groupe armé. Le représentant de la RDC a aujourd’hui encore affirmé que la localité de Bunagana était en fait « occupée par le Rwanda, sous couvert du M23 ». Jugeant inacceptable cette « énième agression », il a demandé au Conseil de « ne pas continuer à fermer les yeux » et de rejoindre « clairement et sans ambiguïté » la RDC et son Président pour demander « haut et fort aux forces d’agression et d’occupation » de quitter immédiatement la localité.
Le représentant du Rwanda a quant à lui accusé les Forces démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) et ses dissidents –qualifiées de « forces négatives »- de continuer leurs attaques contre son pays et d’être présentes dans l’est de la RDC aux côtés des Forces armées de ce pays. Reprenant les propos du Président Kagame devant l’Assemblée générale de Nations Unies, il a jugé « urgent de trouver la volonté politique afin de faire face à l’instabilité dans l’est de la RDC; s’accuser l’un l’autre ne permet pas de surmonter les problèmes, qui ne sont pas insurmontables, on peut trouver des solutions ».
Plusieurs membres du Conseil ont donc insisté sur la mise en œuvre des différents documents visant à améliorer les relations entre le Rwanda et la RDC, que ce soit la Feuille de route de Luanda, adoptée en juillet, ou le Processus de Nairobi. Le représentant de la RDC a assuré que le Processus de Nairobi allait être relancé dans les prochains jours après « une pause technique », et expliqué que les groupes rebelles qui y adhéreront seront pris en charge par le Programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation (P-DDRCS). Mais il a ajouté qu’en ce qui concerne les « groupes armés étrangers, il n’y aura pas de discussion possible », et qu’ils devraient « déposer sans conditions les armes et rentrer chez eux ».
Les membres du Conseil se sont également préoccupés du devenir de la MONUSCO. Mme Keita a déclaré que la « crise de confiance » que connaissaient déjà la Mission et la population congolaise dans l’est du pays s’était aggravée, offrant un terrain fertile aux manipulations et stigmatisations contre la MONUSCO et menant à de nouvelles manifestations violentes, qui ont causé la mort de plusieurs dizaines de manifestants et de quatre personnels de la Mission. À cet égard, « la redevabilité est nécessaire pour tous les acteurs », a déclaré l’Irlande, qui a dit attendre les conclusions de l’enquête conjointe sur l’incident au poste frontière de Kasindi, à la frontière ougandaise, le 31 juillet. La Norvège, comme d’autres, a dit sa préoccupation devant la « rhétorique hostile et anti-MONUSCO ».
Le représentant de la RDC a affirmé que la MONUSCO était un partenaire « important » pour la paix et la stabilité dans l’est de la RDC. Il a d’ailleurs réitéré la demande de son pays au Conseil d’allouer à la Mission des moyens suffisants, d’actualiser son armement et de relever le niveau des équipements. En ce sens, les États-Unis ont exhorté le Secrétariat de l’ONU à combler le vide laissé par le départ de l’unité aérienne ukrainienne qui avait servi pendant 10 ans au sein de la Mission. Sans un soutien aérien, celle-ci ne pourrait mener à bien son mandat et lutter contre les groupes armés qui s’en prennent à la population, a-t-il ajouté.
Mais le représentant de la RDC a aussi parlé de la « nécessité » de réévaluer le plan de transition et de retrait progressif de la MONUSCO, qui s’est déjà retirée progressivement depuis deux ans des régions qui n’étaient plus au cœur de son mandat de protection des civils.
Cette remise en question du plan de transition conjoint et du calendrier du retrait a inquiété plusieurs membres du Conseil, dont la Norvège, pour qui la protection des civils doit être une condition préalable à la transition. « Le retrait progressif et responsable de la Mission dépendra de l’atteinte des jalons fixés dans le plan de transition », a estimé la France. La Fédération de Russie a souligné la nécessité de prendre en compte l’évolution sur le terrain et de privilégier une approche graduelle et responsable. Les A3 ont rappelé qu’une transition efficace devrait inclure des critères garantissant le succès du transfert au Gouvernement de la RDC des tâches clefs liées à la sécurité. Ils se sont inquiétés de ce que certains des critères prioritaires décrits ne prévoient pas le retrait et la sortie réussis et durables de la Mission. La Chine a estimé que la MONUSCO devait s’adapter à la situation et aux attentes du Gouvernement congolais et de la population congolaise. « Nous sommes pleinement disposés à travailler étroitement avec le Gouvernement » sur cette réévaluation, a affirmé la Chef de la MONUSCO.