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A un an et demi de la présidentielle, la saison des candidatures est lancée en République démocratique du Congo (RDC) et provoque déjà un remue-ménage annonciateur de crise pré-électorale sur fond de tensions communautaires. Jusqu’à récemment, le seul candidat déclaré était le président sortant, Félix Tshisekedi, qui avait annoncé dès 2020, trois ans avant la fin de son mandat, qu’il en briguerait un deuxième, comme le lui permet la Constitution. Mais depuis début mai, le terrain politique s’échauffe.
L’ancien premier ministre Augustin Matata Ponyo (2012-2016) a pris de court les autres prétendants au fauteuil présidentiel en annonçant son intention de se lancer dans la course. Accusé de détournement présumé de fonds publics lorsqu’il était chef du gouvernement, M. Matata, qui conteste toute malversation, a vu son horizon s’éclaircir en novembre 2021, quand la Cour constitutionnelle a estimé qu’elle n’avait pas compétence à le juger, coupant court aux poursuites contre lui.
Des soupçons de corruption se sont portés sur le président de cette cour, Dieudonné Kaluba, qui, malgré les dénégations de M. Matata, a été débarqué le 10 mai selon une procédure de tirage au sort étrange et contestée. Beaucoup y ont vu la main de la présidence, qui n’aurait pas voulu le maintenir à la tête de cette instance cruciale dans le processus électoral, puisqu’elle proclame en dernier ressort les résultats de la présidentielle et des législatives. Ces résultats sont parfois violemment contestés, comme en 2006 et 2011, avec à la clé des dizaines de morts.
Une poignée de mains remarquée
L’annonce de la candidature d’Augustin Matata a incité d’autres candidats à sortir du bois. Sur la ligne de départ, il y aura Martin Fayulu, candidat malheureux à la présidentielle de 2018, qui, interrogé par l’AFP, déclare qu’il est « naturellement » candidat à celle de 2023. Son allié de la coalition d’opposition Lamuka est aussi annoncé : « Adolphe Muzito est le candidat naturel du parti Nouvel élan », assure son secrétaire général, Blanchard Mongomba. De son côté, l’ancien gouverneur du Katanga Moïse Katumbi se réserve encore. Mais l’un de ses proches affirme que sa candidature à la présidentielle « s’impose ».
En RDC, certains candidats aux élections, pour se présenter en position de force, cherchent à consolider leurs bases tribales ou provinciales, régulièrement instrumentalisées lors de contestations violentes. Les habitants de la région minière du Grand Katanga viennent d’organiser des journées de réconciliation qui se sont achevées, dimanche 22 mai, sur une poignée de mains remarquée entre Moïse Katumbi et l’ex-président Joseph Kabila, anciens alliés brouillés depuis plusieurs années. Une autre conférence est prévue cette semaine dans le Grand Kasaï voisin, dont les ressortissants sont régulièrement en conflit avec ceux du Katanga.
Le pays reste aussi fragilisé par les violences de dizaines de groupes armés dans sa partie orientale, où les conflits entre communautés semblent s’aggraver malgré des opérations militaires en cours.
« Fraude » et « tripatouillage »
Au même moment, la tension s’est accrue à l’Assemblée nationale, où une partie de l’opposition a claqué la porte de débats sur la révision de la loi électorale, reprochant à la majorité d’avoir retenu seulement quatre des « 18 amendements consensuels » proposés pour renforcer la transparence et la crédibilité des scrutins. L’Assemblée a notamment rejeté les propositions de rendre obligatoire la publication des résultats bureau de vote par bureau de vote ou encore d’interdire l’achat de voix par des candidats. « Avec ces rejets, la loi électorale consacre le tripatouillage et la fraude », comme en 2006, 2011 et 2018, accuse auprès de l’AFP le député d’opposition Claudel Lubaya, l’un des initiateurs des propositions d’amendements.
« Si Tshisekedi gagne en 2023, le pays sera en guerre », prévient Martin Fayulu, qui continue de revendiquer sa victoire à la présidentielle de décembre 2018. Ces derniers mois, l’opposition et les Eglises catholique et protestante ont reproché à Félix Tshisekedi d’avoir placé un proche à la tête de la commission chargée d’organiser les élections. Le camp de Joseph Kabila l’accuse quant à lui d’avoir nommé de manière « irrégulière » en 2019 des juges constitutionnels à sa solde. « Le processus ne bénéficie pas de la confiance de nombreuses personnes et organisations concernées par les élections », ce qui provoque des tensions et augure mal de la suite, constate Trésor Kibangula, de l’institut de recherche sur la gouvernance Ebuteli, basé à l’Université de New York.
Reste aussi à savoir si les élections auront bien lieu comme prévu d’ici à la fin de 2023. La commission électorale se plaint de recevoir « à doses homéopathiques » des fonds du gouvernement pour les préparer.