C’est dans ce contexte que Grâce Maroy a décidé d’accompagner certaines femmes et mères célibataires qui veulent être indépendantes financièrement à travers l’agriculture.
Grâce Maroy est une jeune Congolaise de 24 ans. Elle est à la tête d’une organisation féminine dénommée « Mwanamke Kesho » (en français « La femme de demain ») une association congolaise qui prône les droits de la femme et de la jeune fille au Sud-Kivu en RDC.
« La femme joue un rôle très important à travers l’agriculture mais ses efforts sont peu reconnus. Pour mettre en valeur les efforts de ces femmes, nous avons mis à leur disposition des champs communautaires. Ces champs communautaires vont leur permettre de contribuer à l’amélioration des conditions de vie de leurs familles », explique-t-elle à ONU Info.
L’idée de créer « Mwanamke Kesho » lui est venue en 2019 lorsque qu’elle a reçu le prix « African human rights » lui ayant été décerné par l’« African Human Rights Network (AHNR) », une organisation néerlandaise de défense des droits de l’homme qui vise à protéger et à soutenir les défenseurs locaux des droits de l’homme de la région des Grands Lacs.
« J’avais remarqué un faible engagement des organisations du Sud-Kivu qui œuvrent dans l’accompagnement de la femme rurale dans l’agriculture. Cette catégorie de femmes est restée longtemps oubliée. Voilà pourquoi j’ai voulu réveiller la conscience de ces femmes en promouvant leur développement à travers l’agriculture et l’élevage tout en encourageant leur autonomisation », confie Grâce.
Vue sur un champ de haricots à Idjwi au Sud-Kivu, dans l’Est de la RDC.
ONU Info / Esther N’sapu Vue sur un champ de haricots à Idjwi au Sud-Kivu, dans l’Est de la RDC.
L’agriculture, une force pour la femme rurale
C’est depuis 2020 que le projet « agriculture et élevage » a vu le jour. Un projet qui cible les jeunes filles et mères célibataires dont l’âge varie entre 17 et 20 ans du territoire de Kabare, Kalehe, Idjwi et Walungu en province du Sud-Kivu.
« Nous avons loué des champs communautaires aux différents groupes de femmes de Kabare, Kalehe, Idjwi et Walungu en province du Sud-Kivu qui sont bénéficiaires de notre projet. A Kalehe par exemple, dans le village de Mbonobono, un espace de 4 hectares a été mis à la disposition de vingt-cinq (25) femmes et filles de ce village dans lequel elles y cultivent les haricots et les pommes de terre », explique Grâce Maroy.
Pascaline Mahenga est l’une de ces filles. Elle est cultivatrice dans son village. Elle cultive des pommes de terre, des haricots, des carottes et des légumes qu’elle revend à ses clients.
« Cet espace m’a permis de pouvoir cultiver. Lorsque je suis au champ je me sens fière et je cultive avec du courage parce que je sais que lorsque je vais récolter, je vais gagner beaucoup d’argent et pouvoir participer aux besoins de ma famille », raconte-t-elle.
Selon Pascaline, se retrouver avec d’autres jeunes filles de son village au champ c’est non seulement un moment pour cultiver mais aussi un moment d’échange et de partage d’expérience. Elle ajoute aussi qu’elle et d’autres jeunes mères célibataires s’organisent en groupe d’association villageoise d’épargne et de crédit (AVEC) une façon pour elles de pouvoir épargner et d’être autonome financièrement.
Le secteur de l’agriculture reste un véritable potentiel pour la femme rurale mais présente plusieurs défis notamment celui lié à l’accès à la terre mais aussi l’acheminement des récoltes dans les grandes villes. La femme rurale du Sud-Kivu se confronte aux difficultés de se procurer son propre espace pour cultiver. Elle est soit dépendante des terres possédées par son mari ou par sa famille. Elle travaille parfois dans le champ des particuliers pour subvenir aux besoins de ses enfants. Le manque de routes de dessertes agricoles et le mauvais état des routes font que la femme rurale parcoure plusieurs kilomètres à pied avec ses récoltes sur son dos pour pouvoir écouler sa marchandise dans les grandes villes.
Pour Grâce Maroy, « il n’y aura pas d’autonomisation durable pour la femme rurale dans le secteur de l’agriculture si la femme n’a pas ses propres terres. Son indépendance sera efficace que si elle est propriétaire de son champ ».
A part l’agriculture, « Mwanamke Kesho » a également initié le projet d’élevage des cochons au profit de la femme rurale dans plusieurs villages du Sud-Kivu. L’élevage traditionnel de cochons est connu au Sud-Kivu comme une activité économique rentable. La viande de porc est également consommée par beaucoup de Congolais de Bukavu et des villages environnants.
C’est en décembre 2021 que le projet d’élevage de cochons voit le jour. Ce projet a ciblé 25 femmes et filles célibataires du village de Chinjoma dans le territoire de Kabare au Sud-Kivu. Au départ, 15 cochons ont été mis à la disposition des bénéficiaires mais à ce jour, la porcherie en compte 70. Une fierté pour les bénéficiaires.
Antoinette Bagula est l’une de ses femmes bénéficiaires de ce projet d’élevage de cochon à Chinjoma. Pour elle, l’élevage des cochons est rentable sous plusieurs formes. En effet, elle utilise les matières organiques des cochons pour fertiliser le sol de son jardin.
« Mon secret est celui d’utiliser les matières organiques dans mon jardin parce que je les trouve très efficaces pour fertiliser le sol. Ça m’aide à cultiver les haricots et les légumes en peu de temps. Le mois dernier, j’ai récolté des légumes de mon jardin et j’ai réussi à gagner 50 milles francs congolais de bénéfice », dit-elle.
« A ce jour, les filles vulnérables et les filles célibataires bénéficiaires de ce projet ont découvert leurs potentiels. Ces occupations ont limité même le nombre de grossesses non désirées chez les jeunes filles de ces villages. Non seulement elles sont devenues plus ou moins indépendantes mais aussi elles ont trouvé une occupation et ne peuvent plus quémander de l’argent par-ci-par là », confie Grâce Maroy.
L’agriculture est un secteur très important en République démocratique du Congo mais souvent délaissé au profit du secteur minier. L’Etat congolais et les organisations de la promotion et de défense de droits de femmes devraient multiplier leurs efforts pour que la femme rurale puisse avoir ses propres terres et réaliser ses projets à long terme dans le secteur agricole.