« En Afrique, on ne change pas la Constitution pour quitter le pouvoir »
L’annonce du Président de la République de mettre en place une commission pour mener une réflexion devant permettre de doter la République Démocratique du Congo d’une « Constitution digne » inquiète plus d’un congolais.
Cette inquiétude est justifiée au vu des conséquences néfastes qu’une telle entreprise pourrait occasionner pour un pays dont la partie orientale est en proie à des rebellions de toute nature dont celle du M23 instrumentalisé par le Rwanda, d’une part, et qui cherche à rétablir la cohésion nationale brisée par les frustrations créées par les élections de 2023, d’autre part.
Dans le contexte actuel, un tel projet va encore diviser le peuple congolais voire même la coalition qui est au pouvoir. Si certains alliés du Président de la République sont d’accord avec lui pour diriger ensemble le pays jusqu’en 2028, je ne suis pas sûr qu’ils soient d’accord qu’il dirige encore le pays après la fin de son deuxième et dernier mandat.
Réviser les dispositions non verrouillées de la Constitution est une chose possible. Le régime du Président KABILA l’avait déjà fait en 2011. Mais changer de Constitution pour en avoir une autre pourrait ouvrir la voie à la modification des dispositions relatives notamment au nombre de mandat, à la durée du mandat et au mode d’élection du Président de la République.
Déjà, nous entendons certains congolais proches du pouvoir dire que le mandat de 5 ans doit être porté à 7 ou 9 ans renouvelable, de l’élection du Président de la République au suffrage universel doit être ramené au suffrage indirect, c’est-à- dire élection du Président par l’Assemblée Nationale.
Tout ceci renforce notre méfiance vis-à-vis du processus que le Président de la République veut lancer pour doter le pays d’une « Constitution digne ».
Il est clair qu’en Afrique, les pays qui se sont dotés des constitutions dignes, c’était dans les cas de révolution ou des conférences nationales que l’Afrique a connu vers les années 90(Niger, Benin, Mali…)
L’histoire de l’Afrique montre aussi que si l’initiative de modifier ou de changer de constitution est prise par l’homme fort du pays, elle aboutit au renforcer de son pouvoir ou à la mise en place des mécanismes qui lui permettent de conserver le pouvoir pour lui-même ou pour son parti ou son regroupement politique (Côte d’Ivoire, Rwanda, Tchad, RCA, Togo, Gabon, Mali…) Est-ce que le processus que le Président TSHISEKEDI veut lancer va échapper à cette réalité africaine ? Je ne le pense pas.
Quelqu’un dira que c’est un procès d’intention. C’est fort possible.
Le fait qu’on ne sente pas, fondamentalement, la différence entre la gouvernance du Président TSHISEKEDI et celle du Président Joseph KABILA, doit nous alerter et nous mettre dans une position de surveillance citoyenne maximale de cette initiative. Tout peut arriver.
Le fait aussi que ceux qui soutiennent le respect des fondamentaux de l’actuelle constitution soient régulièrement menacés nous pousse à croire que quelque chose de mauvais se profile à l’horizon. Pourquoi menacer les autres si les intentions sont bonnes ?
Si ceux qui veulent chambouler la Constitution ont de bonnes intentions, ils devraient trouver d’un bon œil le fait que nous ayons des congolais qui restent aux aguets pour protéger la Constitution.
Tout ce que je demande aux uns et autres est que nous puissions rester aux aguets comme nous l’avions fait à l’époque du Président Joseph KABILA.
Rester aux aguets n’est pas un crime.
Fait à Kinshasa, le 01 Juin 2024.
Me Jean Claude KATENDE
Le Gardien du Temple.