Le Conseil de sécurité s’est penché, ce matin, sur la situation politique et sécuritaire en République démocratique du Congo (RDC). Les membres du Conseil ont entendu un exposé exhaustif de la Représentante spéciale du Secrétaire général dans le pays et Cheffe de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), Mme Bintou Keita et assisté à un échange de vues tendu entre les représentants congolais et rwandais. La société civile a également fait entendre sa voix, à travers le témoignage déchirant d’une citoyenne rwandaise victime d’actes de barbarie. Les membres du Conseil ont réagi d’une seule voix en partageant leur effroi devant ce récit lu par la directrice d’une association, le Fonds pour les femmes congolaises.
Sur le volet politique, Mme Keita a salué des évolutions notables tout en encourageant les autorités de la RDC à préserver l’espace démocratique et à assurer le plein respect des libertés fondamentales. Liant l’évolution de la situation politique à l’ajustement en cours de la présence de la MONUSCO en RDC, elle a vu, dans le déploiement de dizaines de policiers dans des zones où les défis sécuritaires persistent, une preuve de l’engagement des autorités congolaises à assumer leurs responsabilités envers la population là où la présence des Nations Unies est destinée à évoluer. Mme Keita a en outre jugé essentiel que le Gouvernement poursuive les réformes envisagées dans son programme d’action, notamment dans le secteur de la sécurité, afin que les institutions de l’État soient en mesure de relever les multiples défis auxquels le pays est confronté.
Parmi ces défis, l’insécurité dans l’est du pays a largement dominé l’intervention de la Représentante spéciale, comme celle du représentant de la RDC. Tous deux se sont, à cet égard, attardés sur les agissements du Mouvement du 23 mars (M23) contre la population civile, les forces de sécurité nationales et les Casques bleus de la MONUSCO. Mme Keita a précisé que les offensives du M23 ont un impact majeur sur les civils, qu’ils tuent et forcent à fuir, plus de 170 000 personnes ayant ainsi été déplacées du fait de leurs attaques. Il est impératif, a-t-elle insisté, que le Conseil redouble ses efforts en faveur d’une désescalade rapide de la situation et du désarmement sans condition du M23.
« Comment expliquer la résurgence d’un mouvement pourtant défait par les Forces armées de la RDC (FARDC) et la brigade d’intervention des Nations Unies en 2013 », s’est interrogé le représentant du pays concerné, qui a fait observer qu’aujourd’hui, le M23 dispose d’un arsenal de combat supérieur à ceux de la MONUSCO et des FARDC et est à même d’abattre des hélicoptères militaires, de terroriser la province du Nord-Kivu et de commettre d’autres crimes dans l’est du Congo. Qui est derrière ce groupe, qui était apparemment désarmé et sous la garde du Rwanda et de l’Ouganda? a-t-il ajouté, avant d’affirmer sans ambages que « le M23 est une milice de l’armée rwandaise ». Il a ensuite demandé au Conseil de condamner fermement « l’agression criminelle du M23 contre la RDC et tous ses appuis, en commençant par l’État du Rwanda et son Président », de sommer le M23 de quitter immédiatement le territoire congolais ou encore d’exiger de tous les groupes armés, sans exception, de déposer les armes dans le cadre des programmes prévus à cet effet.
Le représentant du Rwanda a dénoncé les « accusations sans fondements » des dirigeants politiques et militaires de la RDC qui prétendent que son pays soutient le M23, rappelant que toute allégation de ce type devait être signalée au mécanisme de vérification approprié pour une enquête indépendante. Il a également récusé toutes les allégations portant sur des velléités du Rwanda de « balkaniser l’est de la RDC », qualifiant les déclarations allant dans ce sens d’absurdes et sans fondement, seulement destinées à détourner l’attention « des complexes problèmes internes de la RDC ». Il a aussi invité la RDC à se garder de forger des alliances avec des groupes armés hostiles à son propre pays. Le Conseil de sécurité se doit se prononcer, demain 30 juin, sur le devenir des sanctions à l’égard de la RDC, qui arrivent à échéance.
Le représentant de la RDC a également demandé au Conseil de sécurité le retrait total du dispositif de notification préalable de livraison d’armes exigé par le Comité des sanctions concernant la RDC, cette disposition, « vieille de plus de 14 ans », étant selon lui devenue « complètement obsolète ». « Les groupes armés qui massacrent la population congolaise ne sont même pas affectés par cette mesure », a-t-il fait valoir.
Par ailleurs, les délégations se sont émues du sort des femmes et des filles des provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, le rapport du Secrétaire général qu’elles avaient sous les yeux soulignant que ce sont elles les principales victimes des attaques des groupes armés. Le sort de Furaha, une jeune Congolaise, évoqué à travers le témoignage d’une représentante de la société civile, a fait souffler un vent d’effroi dans la salle du Conseil de sécurité. Mme Julienne Lusenge, Directrice du Fonds pour les femmes congolaises, a raconté que Furaha avait été violée puis détenue pour servir d’esclave sexuelle. « Elle fut forcée de consommer de la chair humaine et de subir des traitements dégradants et inhumains », a encore dit Mme Lusenge.
« Nos efforts de renforcement de la cohésion sociale, les formations sur la cohabitation pacifique pour atténuer les conflits au sein des communautés sont annihilés par ces souffrances extrêmes », s’est-elle alarmée, avant de demander elle aussi au Conseil de condamner l’implication du Rwanda dans les agissements du M23. « Il est temps de cesser d’applaudir ce pays qui se développe sur les morts et les violences sexuelles faites aux femmes et aux filles par l’exploitation illicite de nos ressources », a-t-elle martelé.
Dans son rapport, le Secrétaire général appelle la RDC et le Rwanda a une désescalade des tensions entre leur pays et à l’échelle régionale.