Le Saint Père, au deuxième jour de sa visite Pontificale à Kinshasa, s’est entretenu avec une délégation de victimes des violences à l’Est de la RDC, à la nonciature apostolique de Kinshasa, le mercredi 01 février 2023, les après-midis, juste après la messe célébrée à Ndolo.
Un moment intense, ritualisé où chaque délégation s’est laissée entendre par Le Souverain pontife en témoignant toute sorte des atrocités vécues à l’Est et déposant, l’une après l’autre, un instrument de torture auprès d’un Crucifix, un geste fort de réconciliation.
Le Pape François a dénoncé des « atrocités brutales qui font honte à toute l’humanité » et s’est dit « indigné » devant « l’exploitation, sanglante et illégale, de la richesse » de la RDC, où les violences de groupes armés ont tué des centaines de milliers de personnes et jeté des millions d’autres sur les routes.
Témoignages d’une barbarie inouïe…
Certaines des victimes ont raconté au pape François, le calvaire qu’ils ont subi.
« J’avais alors seize ans. J’ai été retenue comme esclave sexuelle et j’ai subi des maltraitances pendant trois mois. Chaque jour, c’est cinq à dix hommes qui abusaient de chacun de nous. Ils nous faisaient manger la pâte de maïs et la viande de chair des hommes tués », témoigne Emelda M’Karungu. Ces témoignages ont ému le pape François.
Ladislas Kambale Kombi, 16 ans, a vu son père assassiné sous ses yeux. « De ma cachette, j’ai suivi comment ils l’ont découpé en morceaux, puis sa tête tranchée a été placée dans un panier. Enfin, ils sont partis avec maman. Ils l’ont kidnappée. Nous sommes restés orphelins, moi et mes deux petites sœurs. Maman n’est jamais rentrée jusqu’aujourd’hui. Nous ne savons pas ce qu’ils ont fait d’elle ». Le jeune homme a ensuite déposé devant le crucifix «la machette identique à celle qui a tué mon père ».
Selon Monseigneur Henri Ciza, vicaire général du diocèse de Goma et chef de la délégation, « il y a ceux-là qui ont été amputés des mains, ils étaient là. D’autres qui ont connu à travers ces situations de violence, des grossesses non désirées, elles étaient là avec les enfants. Des enfants qui ont travaillé dans les mines et qui donc n’ont pas eu à connaître le cursus normal de l’évolution de l’enfant, des femmes violées. »
« Il n’y aura pas de paix en RDC tant qu’elle ne sera pas obtenue dans la partie orientale du pays. » (Pape François)
Après avoir été marqué par ce qu’il venait d’écouter et de voir, le Pape s’est laissé emporter par un sentiment du choc. « Face à la violence inhumaine que vous avez vue de vos yeux et éprouvée dans votre chair, on reste sous le choc », a alors confié le pape François au début de son discours.
« Il n’y a pas de mots ; il faut seulement pleurer en silence », a-t-il relevé, en énumérant les noms des localités d’origines des victimes.
« Merci pour votre courage et le courage de votre témoignage », a insisté le Saint-Père qui a remis à chacun des témoins un chapelet.
Le Souverain pontife a alors lancé un appel à la fin des hostilités dans l’est de la RDC. « J’adresse un vibrant appel à toutes les entités internes et externes qui tirent les ficelles de la guerre en République démocratique du Congo en la flagellant et en la déstabilisant. Vous vous enrichissez par l’exploitation illégale des biens de ce pays, le sacrifice cruel des victimes innocentes. Entendez les cris de leur sang. Faites taire les armes. Mettez fin à la guerre. Cela suffit à s’enrichir sur le dos des plus faibles », a déclaré le chef de l’Eglise catholique.
À chaque « famille en deuil ou déplacée en raison des villages brûlés et d’autres crimes de guerre, aux survivants des violences sexuelles, à chaque enfant et adulte blessé », le pape a ensuite tenu à lancer ce message : « Je suis proche de vous. Vos larmes sont mes larmes, votre souffrance est ma souffrance ». Il a aussi dit prier pour que toutes les femmes, notamment des régions de l’Ituri, du Nord et du Sud Kivu soient respectées et protégées. Et de mettre ainsi en garde : « Commettre une violence sur une femme et sur une mère, c’est la faire à Dieu lui-même. »
Un seul conseil aux victimes : « Désarmer votre cœur. »
Le pape a demandé aux victimes de l’Est de se munir premièrement des « deux Non ». Étant chrétien, il faut toujours renoncer à la violence. Pour y arriver, il faut « désarmer votre cœur » sans pour autant « cesser de s’indigner devant le mal » et accepter « l’impunité ». Ensuite, dire « non à la résignation ». « Je renouvelle l’invitation pour que ceux qui vivent en RDC ne baissent pas les bras, mais s’engagent pour construire un avenir meilleur », a-t-il plaidé, exhortant chacun à ne pas sombrer dans le fatalisme.
Concernant les « deux Oui », nommée « Oui de la paix », le Pape a d’abord proposé le « Oui de la réconciliation » où il a salué le courage des victimes présentes à « répondre le mal par le bien, la haine par l’amour, la division par la réconciliation ». « Chers amis, seul le pardon ouvre les portes à demain », a-t-il souligné, avant de proposer « le dernier Oui décisif : Oui à l’espérance ».
Signalons que le Pape François devait initialement se rendre à Goma, dans le Nord-Kivu, province congolaise frontalière du Rwanda en proie à de nombreuses tueries et à la résurgence du groupe armé M23 qui a conquis au cours des derniers mois de vastes pans de territoire.